Camille Rozoy
Création d'une fresque dans mon atelier
à l'occasion du Parcours d'Artistes, organisé par la Ville de Reims en Mai 2009.
Présentation du Parcours des Mille et Une Nuits
Au fil de la lecture, je garde les images marquantes pour moi, que
j’allierai ensuite dans la réalisation à
des motifs décoratifs évoquant ceux de mon enfance…
C’est l’occasion pour moi de « faire une pause », de travailler à quelque chose
de plus léger, de moins impliquant mais de tout aussi évocateur que ce qui
anime ma démarche habituelle :
les Mille et Une
Nuits ou la conteuse qui ne cessera de
parler jusqu’à convaincre l’autre de la valeur de sa vie !
Suivons donc René R. Khawam
dans son introduction à la traduction de 1986 et transportons-nous avec lui à
Baghdad, à la charnière du XII et du XIIIème siècle ; le cadre historique
des récits en est parfaitement daté…Nous y découvrirons un Islam qui répond à
la crise qui le frappe alors(Les Croisades, la menace mongole, l’insurrection
des minorités) par un déploiement d’imagination, d’inventivité, de liberté…
Les scènes inaugurales du récit : La Tisserande des Nuits
Le roi Chahryâr, découvrant l’infidélité de son épouse et après un
voyage avec son frère qui ne fera que confirmer les nombreux tourments dont les
femmes sont la cause, décide que
désormais, pour ne plus être l’objet de leurs trahisons, il tuera chacune de
ses épouses après la première nuit.
C’est ainsi qu’il en
viendra à faire disparaitre de nombreuses jeunes filles de son pays … jusqu’à ce que l’ainée de son Vizir se propose
comme épouse.
Il s’agit de la fameuse Chahrazade qui demanda alors à sa jeune sœur, de venir lui réclamer une
histoire avant le petit matin…
Elle n’avait pas terminé son récit que le jour vint à paraître. Charyar,
impatient de connaitre la fin du récit, l’épargnera nuit après nuit pour en
connaitre la suite.
Il est à préciser qu’en arabe, l’expression « mille et une »
veut simplement dire « beaucoup ».
A la fin, celle-ci lui demandera au nom de leurs trois fils de la laisser en
vie.
Estimant qu’elle avait fait preuve de fidélité et reconnaissant
ses nobles qualités, il fera repentance et lui accordera grâce.
Les Mille et Une Nuits sont l’ensemble de ces récits imbriqués les uns dans les
autres.
SUITE … du Parcours des
Mille et Une Nuits
Le Marchand et Le Djinn
Pour venir au secours d’un marchand aux prises avec un Djinn qui
veut lui ôter la vie, trois vieillards qui
ont croisé son chemin négocient un récit contre un tiers de sa vie chacun
…
Cœurs ingrats est le récit
du second vieillard
Trahi par ses deux frères, c’est au moment où elle le sauve du
naufrage qu’ils ont provoqué que ce vieillard s’aperçoit que son épouse est en réalité un ifrite qui a
reçu la révélation de l’islam. Il la supplie d’épargner ses frères malgré leur
ignominie : elle demande alors à sa sœur de les transformer en chiens,
forme qu’ils garderont pour les 10 années à venir.
Le pêcheur et le Djinn
Un pauvre pêcheur ramène de ses filets un vase duquel s’échappe un
Djinn qui appartient au groupe des indociles, hostiles à toute obéissance, et
qui, pour le remercier de l’avoir délivré, menace de le tuer !
Suivant le proverbe « homme bienfaisant tu ne mériteras ce
nom qu’en faisant le bien à celui qui t’auras offensé », il parlemente
longuement avec le Djinn, si bien que celui-ci finit par lui dire de le suivre…
« Ils escaladèrent d’abord une
montagne puis se retrouvèrent dans une vaste plaine au centre de laquelle on
apercevait un étang encadré par quatre collines. L’ifrite gagna le bord de cet étang et invita le
pêcheur à y jeter son filet. Quand il l’eut retiré de l’eau, il constata que quatre
poissons s’y trouvaient prisonniers : un poisson rouge, un poisson jaune,
un poisson blanc et un poisson bleu.
Le voyant partagé entre le
contentement et la stupeur, l’ifrite lui dit :
- apporte donc ces poissons au sultan et
offre les-lui en présent ! La récompense qu’il t’accordera te rendra
riche. »
Ce faisant, les poissons vont être la cause de nombreux mystères
dans les cuisines du sultan, qui finira par vouloir éclaircir cela en allant
lui-même auprès de l’étang.
Il y découvre un palais où un jeune prince est à pleurer avec
mélancolie.
« Etendant alors sa main vers le
bord inférieur de son vêtement, il le releva jusqu’à la ceinture, et ce que
découvrit le roi à ce geste, le plongea dans le dernier degré de la
stupéfaction : tout le bas du corps du malheureux jeune homme n’était
qu’un bloc de pierre noire, et ce depuis le nombril jusqu’à la pointe des
pieds. Il n’appartenait à la race des fils d’Adam qu’entre le nombril et la
tête. »
Il lui apprend alors que l’histoire des poissons de quatre
couleurs et la sienne plongent à la même source étrange et
merveilleuse.
Le roi des îles noires
Son épouse s’est révélée être une magicienne maudite qui l’a
changé en pierre pour le punir d’avoir
tué son amant bienaimé. Elle a transformé les quatre communautés de la
population en poissons : les blancs sont des musulmans, les rouges des
mages, les bleus des chrétiens et les jaunes des juifs.
Le portefaix et les Dames
« Il était une fois en la ville
de Baghdad, un homme célibataire qui se
trouvait être portefaix de son état.
Un jour qu’il se tenait à son
habitude sur la place du marché, nonchalamment étendu sur le sol, la tête
appuyé sur sa hotte, une femme s’arrêta devant lui.
S’adressant à lui, la belle inconnue
lança d’une voix suave « O portefaix, prends ta hotte et suis
moi ! »
Après s’être arrêtés chez chaque marchand, dans chaque boutique et
avoir acheté de quoi préparer un des meilleurs festins qui soit…
« Ils arrivèrent enfin devant
une haute demeure solidement bâtie que précédait une cour d’imposantes
proportions…Les battants de la porte s’ouvrirent et il vit émerveillé venir à
sa rencontre une jeune fille de taille parfaite…
Puis dans un vaste salon …au centre duquel avait été
ménagée une vaste piscine remplie d’eau claire…Enfin, tout au fond s’apercevait
un lit d’ambre incrusté de perles et de pierres précieuses qui reposait sur
quatre pieds de cyprès…une main défit un à un les boutons de la moustiquaire,
révélant la présence au creux du lit, d’une autre adolescente au visage
étincelant….
Et plongeant dans la piscine, elle disparut
sous l’eau. Elle émergea peu après, prenant plaisir au mouvement de l’eau qui
lui caressait tout le corps, barbotant, faisant mille farces, emplissant l’eau
de sa bouche pour en asperger la compagnie. »
Divers personnages vont venir frapper à la porte et demander
asile. Les trois jeunes filles leur font accueil à une seule condition :
qu’ils ne posent aucune question sur leur manière de vivre et d’une manière
générale sur ce qui ne les regarde pas.
… Suite du
Parcours des Mille et Une Nuits
Malheureusement, intrigués par de nombreux mystères qui se déroulent sous leurs
yeux, ils vont poser des questions et devront, pour qu’elles acceptent
d’épargner leurs vies, faire le récit de leurs impressionnantes aventures et de
ce qui les a amenés jusqu’à leur porte.
Histoire du 2ème derviche Qalandar
Pour
demander le pardon de l’ifrite qui voulait le tuer, il lui raconte
L’histoire de l’envieux et de l’envié,
dans laquelle il est question d’un homme précipité au fond d’un puits
par un autre qui l’enviait. Or, ce puits était habité par des djinns qui
soutiennent sa chute et le déposent avec douceur au fond de leur demeure tout
en lui révélant le secret pour délivrer la fille du Sultan de l’esprit rebelle
qui la possède.
Remonté à la surface, il prendra sept poils blancs de la queue de
son chat qu’il fera brûler pour sauver la malheureuse.
« Dans l’instant, l’esprit
diabolique qui habitait la tête de l’infortunée poussa un grand cri et s’en
fut, cependant que la jeune fille, retrouvant ses esprits et prenant conscience
de ce qui l’entourait, se voilait pudiquement le visage. »
L’envié fut ainsi récompensé, jusqu’à devenir Sultan.
Il fit alors chercher celui
qui l’avait autrefois poursuivi de sa haine et lui fit remettre de l’argent.
Il fit ses adieux à celui qui l’avait
tant haï, sans même lui faire reproche de tout le mal qu’il lui avait causé.
Face à ce discours, l’ifrite demeura inflexible : il renonça
au désir de lui ôter la vie mais…
« Il m’emporta une fois de plus
dans les airs, si haut que la terre apparut bientôt à mes yeux comme un simple
nuage blanc. Il m’abandonna au sommet de la montagne et avant de me quitter,
ramassa une poignée de terre sur laquelle il marmonna des phrases incompréhensibles,
dont je pus malgré tout saisir qu’elles étaient porteuses de sort dont je
n’allais pas tarder à être la victime. »
Après avoir été transformé en singe (fort savant) notre personnage
est demandé par un roi pour en faire son vizir. Or, la fille du roi entrant
dans le palais se montre choquée qu’on ne l’ai pas prévenue qu’elle devait se
voiler devant un étranger. Le roi découvre ainsi qu’elle a appris la magie et
qu’elle sait immédiatement que le singe est victime d’un sort.
Elle s’engage à lutter contre l’ifrite qui a donné cette forme
ingrate au fils de roi qu’est notre personnage
« C’est alors qu’apparut à nos
regards, fondant vers nous du haut des régions célestes, un ifrite qui avait
pris la forme d’un lion, lequel avait au moins la taille d’un bœuf.
…Lui arrachant un poil de sa
crinière, transforma ce dernier en un sabre effilé à l’aide d’une incantation
de sa façon et en frappa de toutes ses forces l’animal qu’elle trancha par le
milieu en deux moitiés qui s’envolèrent chacune de son côté. »
Sans vouloir être magicienne, j’espère par ce jeu d’illustration
avoir ouvert à votre imaginaire la porte magique de l’Orient et suscité en vous
le désir de lire ou relire les Mille et Une nuits.